On habitait la campagne, Roncherolles, depuis 4 ou 5 ans. Un jour, j'avais 9 ans, mes parents me proposent de prendre des cours de piano avec quelqu'un qui venait d'emménager dans le village. Super, jouer du piano comme les cousins ! Je suis enthousiaste. Les parents achètent un piano, noir, verni, plein de moulures, que je trouve magnifique.

On fait connaissance à la maison du professeur de piano qui est un "ex-séminariste" (c'est quoi ça ?), et s'appelle François Laurence. C'est un homme jeune, moustachu avec un petit bouc, chatain clair. Il vit avec sa jeune femme dans une petite maison, dans notre rue, à 300 m de la maison. Facile d'y aller à pied depuis chez nous.

Ce qui fut difficile à supporter :

- dès le début, sa main impérativement posée sur ma cuisse, je n'avais pas le choix (puis il remontait insensiblement pendant le morceau pour arriver le plus près possible de ma culotte). La "distance à la culotte" a fait l'objet d'intenses négociations de ma part pendant des années.

- un peu plus tard (j'avais 10/11 ans), quand j'avais mal joué, ses propositions de m'amener dans sa chambre et sur son lit au 1er étage pour me punir en me fouettant avec la badine qu'il avait toujours à la main (pour montrer les notes sur les partitions).

- L'impossibilité d'en parler à qui que ce soit :

Je sentais bien, à 9/10 ans, qu'il y avait du "bizarre" là-dessous, du "quelque chose pas de mon âge, réservé aux adultes" et formellement INTERDIT pour moi, mais IMPOSSIBLE d'en parler à mes parents qui par ailleurs semblaient pris de panique et nous faisaient sortir de la pièce dès le 1er soupçon d'un début de baiser à la télévision (encore en noir et blanc).

-Ma mère nous avait surpris, mon frère Marc et moi (respectivement 5 et 8 ans?) en train de nous battre au grenier. j'étais assise sur lui, et le maintenais fermement entre mes cuisses pour mieux lui foutre des baffes, à toute volée. Pour me déstabiliser, Marc a soulevé ma jupe pour regarder dessous et ma mère est entrée à ce moment-là: "QUELS SALIGAUDS CES GAMINS !" et elle s'est mise à nous taper dessus comme une folle furieuse.

J'en ai déduit que les histoires de jupe (de moi) soulevée (par d'autres) me vaudraient des râclées monumentales, accompagnées d'injures exotiques particulièrement violentes administrées par une mère soudain devenue folle...

Donc je n'ai RIEN dit.

Et ça a duré jusqu'à ce qu'on déménage, mon père professeur d'anglais ayant été promu "Principal" d'un collège à 5 kms de là.

Là, enfin, dans un autre lieu que SA maison à lui, j'ai réussi à extérioriser ma fureur : j'ai piqué une grosse colère contre ce "prof de piano", je lui ai dit, toute rouge, épouvantée de ma propre audace, que c'était "fini, la main sur la cuisse!".

La semaine suivante, il a annoncé à mes parents que Roncherolles-Darnétal, ça lui faisait faire trop de chemin en voiture, et on ne l'a plus jamais revu.

Ce François Laurence, protégé par sa formation de séminariste (comme mon grand-père maternel, ce pervers !) et ses compétences en piano : combien d'autres petites victimes ???